Défendre le droit d’auteur : le point de vue des (gros) éditeurs

Comme nous le disions précédemment, l’Union européenne a décidé d’harmoniser la législation concernant le droit d’auteur en Europe et une consultation publique sur la révision des règles de l’Union européenne en matière de droit d’auteur a été lancée. Nous sommes nombreux à penser que l’harmonisation du DA reviendrait à le remplacer par un copyright à l’anglo-saxonne. Aussi, nous vous invitons à signer la pétition « Oui à la culture et non au démantèlement du droit d’auteur en Europe ! »

De son côté, le SNE appelle à répondre au questionnaire, car il considère que les « opposants au droit d’auteur » se sont massivement mobilisés.

Nous présumons que le SNE parle du Parti Pirate dont le programme propose « L’abolition des dispositifs de répression du partage, instaurés par des lois comme HADOPI ou DADVSI », mais aussi de « Réduire le délai avant entrée d’une œuvre dans le domaine public (…) Faire courir le délai d’entrée dans le domaine public à partir de la publication de l’œuvre (…) Supprimer le droit d’auteur sur les travaux (commandés ou sans création originale) ».

Laissons de côté l’assertion selon laquelle le droit d’auteur devrait être supprimé sur les « travaux » – est-ce à dire que seuls les auteurs amateurs devraient jouir de la propriété intellectuelle, les professionnels, eux, devenant corvéables à merci sans aucun droit sur leur création ?

Pour notre part, nous considérons qu’une diminution drastique de la durée de la propriété intellectuelle serait un véritable drame pour les auteurs « non commerciaux » dont les ouvrages tardent à trouver un lectorat et qui tirent bien souvent le diable par la queue. C’est sur ce point, entre autres, que la différence est grande entre le copyright – qui considère la création indissociable de son support matériel – et le droit d’auteur. Peut-on accepter qu’un film soit réalisé à partir d’un roman paru depuis dix ou vingt ans, sans que l’auteur touche un centime ? Pire : l’entrée précoce dans le domaine public priverait le créateur de son droit moral. Imaginez une musique reprise par un parti politique auquel le compositeur serait farouchement opposé !

Il semble que les craintes du SNE ne soient pas infondées.

Une raison de plus pour signer la pétition « Oui à la culture et non au démantèlement du droit d’auteur en Europe ! »

(à suivre)

12 réflexions au sujet de « Défendre le droit d’auteur : le point de vue des (gros) éditeurs »

  1. Perso, je n’ai pas commis la folie (ou pas eu le courage, au choix 🙂 de mettre au monde des enfants dans ce monde de dingue, mais si j’avais des gosses en bas âge, je m’interrogerais quand même sur tous ces discours à propos des auteurs professionnels. Et j’apprécierais de pouvoir penser que si je disparaissais brusquement, mes gamins pourraient bénéficier pendant… disons vingt ans (un chiffre raisonnable) du fruit de mon travail.
    JW

  2. Quand le SELF écrit Pour notre part, nous considérons qu’une diminution drastique de la durée de la propriété intellectuelle serait un véritable drame pour les auteurs « non commerciaux » …, il ne cite pas, dans ce passage qui m’a fait prendre le clavier, le point de vue du SNE !

    Pour le reste, comme précisé dans mon précédent commentaire, on est d’accord, toi et moi (non, je ne trouverais pas ça juste et normal !). On est du même avis sauf…

    … sauf quand tu dis « C’est de ce drastique-là qu’il s’agit… ». C’est à mon sens ta propre interprétation du billet et il me semble, qu’une personne extérieure au SELF lisant ce billet ne va pas comprendre que « drastique » doit être lu « aussi drastique que le propose le PP ».

  3. Pour notre part, nous considérons qu’une diminution drastique de la durée de la propriété intellectuelle serait un véritable drame pour les auteurs « non commerciaux » dont les ouvrages tardent à trouver un lectorat et qui tirent bien souvent le diable par la queue.
    La propriété intellectuelle s’éteint en France 70 ans après la mort de l’auteur. Peut-on considérer que la réduire à (par exemple) 10 ans après la mort, diminution qui me paraît drastique, sera véritablement « un drame pour les auteurs « non commerciaux » dont les ouvrages tardent à trouver un lectorat et qui tirent bien souvent le diable par la queue » ?

    1. À mon humble avis perso (qui ne reflète pas forcément l’avis du self ou de ses membres), ça serait bien. Suffisant pour les auteurs et aussi pour qu’ils laissent quelque chose à leurs enfants. Mais ce serait les éditeurs qui y perdraient, dans ce cas de figure. Ce sont eux qui ont poussé à l’allongement du délai (qui était de 50 ans il n’y a pas si longtemps).

      Par contre, 10 ans après publication, là, non !! Le PP voudrait faire courir le délai au moment de la parution d’un texte. C’est montrer une méconnaissance totale du milieu de l’édition et du travail des auteurs.
      (Il est bien entendu que je ne parle que d’art et de culture, là. En ce qui concerne les médicaments et leur copyright, par exemple, je pense que le délai doit être très bref et courir à partir de la « publication ». Les humains ont besoin de chaque médicament existant, un besoin vital. Ils n’ont pas besoin de chaque livre ou de chaque disque.)

      Je ne suis pas souvent d’accord avec les gros éditeurs, mais on peut comprendre leur point de vue : s’ils travaillent dans la durée (ce qui est le cas en théorie, mais depuis quelques années, tout est bouleversé), il est normal qu’ils attendent un retour sur investissement.

      1. On est d’accord sur tout, Lucie.
        Mais justement, l’allongement du délai n’a pas été fait pour protéger les auteurs eux-mêmes, aussi sa réduction « drastique » n’est-elle pas forcément une catastrophe pour eux, de mon point de vue. Le SELF peut en avoir un autre, mais en l’occurrence, il reste trop flou pour me convaincre. Protéger les auteurs, oui, protéger le droit d’auteur, oui, protéger le droit d’auteur tel qu’il existe actuellement avec sa durée qui profite surtout aux éditeurs… je ne suis pas sûr.

        1. Ce billet cite le point de vue du SNE 🙂

          Et le Parti Pirate propose de « Réduire le délai avant entrée d’une œuvre dans le domaine public (…) Faire courir le délai d’entrée dans le domaine public à partir de la publication de l’œuvre (…) Supprimer le droit d’auteur sur les travaux (commandés ou sans création originale) »
          Dix ou vingt ans à partir de la publication, j’estime que c’est de l’arnaque. Ça veut dire que si un film est fait d’après un livre vingt ans après sa publication, l’auteur ne toucherait rien. Tu trouverais ça juste et normal ? (On sait comment les cinéastes ou les studios se ruent sur les romans intéressants dès leur entrée dans le Domaine public.)
          C’est de ce drastique-là qu’il s’agit…

  4. Ce qui est le plus choquant dans cette proposition du Parti Pirate, c’est le deux poids deux mesures. Les auteurs professionnels, ceux qui ont besoin des revenus que leur procure leur travail pour vivre, perdraient leurs droits d’auteur. Mais les amateurs, ceux qui sont salariés et écrivent pour leur plaisir, eux, ne les perdraient pas. Etonnant, non ?

    D’autre part, un écrivain ne vend pas son travail : il signe un contrat avec un éditeur, un contrat d’édition qui stipule qu’il touche un certain pourcentage sur les ventes. Il conserve la pleine et entière propriété de son oeuvre. Le droit de continuer à écrire autour des mêmes personnages sans demander l’accord de l’éditeur ou du producteur du film, etc.

    Sinon, on tombe dans le système du copyright où les auteurs ne possèdent plus leur création, laquelle enrichit de grosses entreprises. Je ne crois pas que ce soit ce que le PP veuille, mais je crois qu’il fait tout pour qu’on y arrive !

  5. > est-ce à dire que seuls les auteurs amateurs devraient jouir de la propriété intellectuelle, les professionnels, eux, devenant corvéables à merci sans aucun droit sur leur création ?

    Un peu comme tout le monde : On demande un travail contre une rémunération prévue à l’avance (qui peut tout à fait être proportionnelle aux vente, ce n’est pas la question). Au final le travail appartiendrait à celui qui l’a payé et commandé. Que ce travail soit intellectuel ou manuel ne change finalement pas grand chose.

    Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne aujourd’hui sur le droit d’auteur, mais ce n’est pas choquant en soi. Ca ne rend pas les auteurs plus corvéables que n’importe qui. Ca ne leur retire pas plus de droits sur leur création que n’importe quel autre métier : si on t’achète ton travail alors le résultat du travail appartient au donneur d’ordre ; si on t’achète le résultat alors c’est ta propriété mais tu n’as pas de garantie

    1. réponse bis, parce que pour moi, c’est évident, mais ça ne l’est pas pour tout le monde :
      Ce que gagne en un an un écrivain* sur un livre est totalement ridicule. On ne ne peut vivre de son métier que lorsqu’on commence à avoir produit suffisamment d’ouvrages pour que les droits d’auteur (« droits » au pluriel, donc au sens de revenus, de pourcentages) cumulés rapportent.

      * : oui, il y a des exceptions, des best sellers, mais ce sont les baobabs qui cachent la jungle 😉

      1. Oui. Il y a des activités qui rapportent plus, d’autres qui rapportent moins. Celle là ne rapporte pas assez face à ce que ça coûte à l’auteur. Cette question est relativement indépendante pourtant du mode de rémunération.

        Le baobab qui cache la forêt c’est dans les deux sens. Justifier une durée du droit d’auteur sur les 10 cas annuels de livres qui sortiront en films, sachant que sur ces 10 il y en a bien la moitié qui seront déjà des auteurs à succès et qu’il y en aura probablement un ou deux qui seront de toutes façons déjà libres de droits suivant les règles actuelles du « 70 ans après la mort de l’auteur »… autant dire que ça ne concerne quasiment personne.

        Faut aussi se le dire, les auteurs qui gagnent un pécule significatif (chiffrons au moins à > 200 € annuels) sur un titre qui a plus de vingt ans, c’est déjà une très très forte minorité. Si on retire les bestsellers qui auront gagné correctement leur vie sur les 5 à 10 premières années du livre, il ne reste franchement plus grand monde.

        Je préfère bosser pour que les auteurs puissent vivre de façon générale que de militer pour des durées de droit d’auteur longues afin qu’on puisse espérer qu’une demie dizaine ou deux puisse un jour avoir un chèque après avoir mangé des pâtes pendant 20 ans. À choisir…

        1. « Oui. Il y a des activités qui rapportent plus, d’autres qui rapportent moins. Celle là ne rapporte pas assez face à ce que ça coûte à l’auteur. Cette question est relativement indépendante pourtant du mode de rémunération. »
          Les revenus d’un métier indépendants du mode de rémunération ? Ça demande à être développé, ça !

          « Le baobab qui cache la forêt c’est dans les deux sens. Justifier une durée du droit d’auteur sur les 10 cas annuels de livres qui sortiront en films, sachant que sur ces 10 il y en a bien la moitié qui seront déjà des auteurs à succès »
          Et ? Les auteurs à succès n’auraient pas le droit de gagner de l’argent ? Encore une fois, les droits d’auteurs devraient être réservés aux auteurs amateurs  ? Ça me fait penser à la Chine populaire qui envoyait les étudiants en médecine à l’usine et les ouvriers qualifiés au dispensaire, au nom de l’égalité. Bravo l’efficacité 🙁

          « et qu’il y en aura probablement un ou deux qui seront de toutes façons déjà libres de droits suivant les règles actuelles du « 70 ans après la mort de l’auteur »… autant dire que ça ne concerne quasiment personne. »
          Et donc, parce que peu d’auteurs seraient concernés par une éventuelle rémunération, il faudrait la supprimer ? C’est une minorité, donc on peut la priver des ses droits ? C’est ça, la démocratie du Parti Pirate  ? 🙁 Moi qui vous croyais idéalistes…
          C’est comme si je disais que 0,3 % d’augmentation du SMIG, c’est tellement faible, que ça ne vaut pas le coup…

          « Faut aussi se le dire, les auteurs qui gagnent un pécule significatif (chiffrons au moins à > 200 € annuels) sur un titre qui a plus de vingt ans, c’est déjà une très très forte minorité. Si on retire les bestsellers qui auront gagné correctement leur vie sur les 5 à 10 premières années du livre, il ne reste franchement plus grand monde. »
          Mais un auteur ne tire pas ses revenus d’un seul et unique livre ! (À de rares exceptions près.) Les auteurs qui vivent de leurs DA sur des ouvrages de plus de vingt ans cumulent vingt ans de travail, vingt ans de publication. Et c’est heureux, parce que je ne sais pas comment ils s’en sortiraient.

          « Je préfère bosser pour que les auteurs puissent vivre de façon générale que de militer pour des durées de droit d’auteur longues afin qu’on puisse espérer qu’une demie dizaine ou deux puisse un jour avoir un chèque après avoir mangé des pâtes pendant 20 ans. À choisir… »
          À titre personnel, je ne suis pas favorable à un délai de 70 ans après la mort de l’auteur. On sait très bien qu’une telle durée de la propriété intellectuelle sert les éditeurs – d’ailleurs, ce sont eux qui ont demandé à ce qu’elle soit rallongée, alors qu’elle était de 50 ans, il y a peu.
          J’estime (toujours à titre personnel, je ne m’engage pas au nom du SELF) qu’un délai de 20 ans serait très bien, ça permettrait à l’auteur d’assurer un peu l’avenir de ses enfants – eh oui, à un moment, c’est une question qui se pose et devient de plus en plus cruciale.
          Mais faire courir le délai à compter de la date de publication serait inique. Encore une fois, le lectorat n’a pas un besoin vital de posséder sans l’avoir payé chacun des livres qui existent. On a déjà accès à une foultitude de livres dans les bibliothèques, aux livres du domaine public en téléchargement gratuit, si les lecteurs aiment lire, ils peuvent acheter des livres, comme ils achètent leur alimentation – et pourtant, on a un besoin vital de manger, et si on s’en passe, on meurt, ce qui n’est pas le cas pour chaque livre de chaque auteur sous droit.
          Par contre, si on parle de médicaments, alors là, oui, je suis favorable à un raccourcissement de la durée de la propriété intellectuelle ! Parce qu’il y a un réel besoin vital de chaque médicament qui existe. Mais on n’est pas là dans le domaine du droit d’auteur, on est dans celui du brevet et/ou du copyright, et justement, ce que nous dénonçons dans le billet précédent celui-ci : http://www.self.lautre.net/un-mois-pour-defendre-le-droit-dauteur/, c’est cette confusion qui s’est instaurée entre le DA et le copyright – et qui à mon avis est sciemment entretenue, mais on va dire que je paranoye 😉
          Et c’est justement à cause de cette confusion entre droit d’auteur et copyright que nous estimons très grave le fait que l’Union européenne n’ait pas traduit le questionnaire de la Consultation citoyenne. Il y a nombre de questions auxquelles j’aurais voulu répondre « oui » pour le droit d’auteur et « non » pour le copyright, ou l’inverse  !
          Quant à préférer travailler pour que les créateurs puissent vivre de façon générale, c’est une idée louable, mais je ne crois pas qu’il soit réaliste d’espérer y arriver en commençant par militer pour qu’ils n’aient plus aucun moyen de subsistance !

  6. Le parti pirate… Ces braves gens qui considèrent qu’il ne doit pas y avoir le moindre droit m’empêchant MOI MOI MOI de me goinfrer à l’œil, mais qui sont pour qu’on défende, verrouille et protège tout ce que je fais MOI MOI MOI pour des siècles des siècles, amen ? (Le nordique professant qu’il FAUT verrouyiller MES logiciels à MOI MOI MOI, l’Allema,nde devenue Hadopiste convaincue dès qu’il s’agit de traquer ceux quiu piratent MON bouquin à MOI MOI MOI qui m’a rapporté -100 000 zorrobrouzoufs de ces fichus droit d’auteur qu’il faut supprimer pour tout le monde sauf MOI MOI MOI, etc. Les princiupes s’arrêtent là où commence la bonne soupe…

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