RAAP et réforme de la Sécurité sociale
- RAAP / IRCEC
Deux réunions ont eu lieu au cours de ce mois de juillet : la première, le 1er juillet, a réuni l’ensemble des organisations d’artistes auteurs (sociétés d’auteurs, syndicats, sociétés de perception et de répartition des droits [SRPD]) concernées par le projet de réforme de notre caisse de retraite complémentaire. Ce, pour la première fois depuis fin 2013 que le projet existe. M. Buxin, président du RAAP / IRCEC, a d’emblée mentionné son intention de mener cette réforme à marche forcée : pas d’autre réunion de concertation prévue, bouclage du projet fin juillet, validation législative de la réforme à l’automne et mise en place effective à compter du 1er janvier 2016. Tout cela, bien entendu, sur la base d’une cotisation RAAP qui équivaudrait à 8% des droits d’auteur perçus annuellement par les cotisants.
Cette annonce a provoqué un tollé général, le taux de 8% étant contesté par la quasi-totalité des organisations. Interrogé, le représentant du ministère des Affaires sociales a cependant indiqué qu’il « ne se jetterait pas par la fenêtre » (sic) si la réforme n’aboutissait pas dans les délais préconisés par le conseil d’administration de l’IRCEC.
La suite de la réunion a consisté pour le Conseil d’Admistration de l’IRCEC à faire valoir ses « obligations », maladroitement appuyées sur une hypothèse à 30 000 € de gains annuels (qui concerne quel nombre d’artistes auteurs ?). Les organisations ont présenté leurs desiderata pour la mise en place d’une réforme plus acceptable, l’obligation d’une cotisation proportionnelle aux revenus (imposée par l’Union Européenne et comme telle exigée par la direction de la Sécurité sociale) étant admise par tous. En gros les organisations d’artistes auteurs se répartissent entre deux options :
– L’un des partis milite pour la mise en place d’une cotisation à 4%. Les SPRD (SACD, SCAM, SACEM), dont les adhérents cotisent par ailleurs au RACD (audiovisuel) à hauteur de 8% ou au RACL (auteurs lyriques) à 6,5%, demandent également la mise en place d’un RAAP « allégé » à hauteur de 4%. Même chose pour les représentants des syndicats et associations plus ou moins liés à ces SPRD. Ce groupe est majoritaire, mais représente des intérêts et des options de mise en œuvre assez disparates. Les affiliés RACD et RACL auraient un RAAP prélevé à la source, tandis que ceux qui ne paient que le RAAP recevraient toujours les appels de cotisations pour l’année antérieure. D’autre part, revendiquer un RAAP à 4% est une absurdité : pour les affiliés à l’Agessa dont les revenus se situent autour du seuil d’affiliation (environ 8500€ / an), ce taux est inférieur à celui de la cotisation en « classe spéciale » choisi jusqu’à présent par environ 85% des cotisants. Il n’aboutirait donc qu’à diminuer encore le montant de leur retraite complémentaire, déjà plus que congru : pour un auteur ayant pris sa retraite en 2014 après avoir cotisé 10 ans en classe spéciale, le montant de la pension retraite complémentaire ne s’élève qu’à 500€… par an.
– L’autre bloc est pour l’essentiel (et à l’exception notoire du SNAC, qui avec la SGDL et la Charte, milite pour les 4%) composé des syndicats déjà associés dans la pétition « anti-RAAP à 8% » : CAAP, SELF, SNAAFO, SNAPcgt, SNSP, UNPI. Ces organisations professionnelles, présentées par commodité comme « l’Intersyndicale », revendiquent un RAAP qui tienne compte des tranches de revenus : taux faibles pour les revenus annuels peu élevés, plus forts dans les « bonnes années ». Tous, nous avons des revenus « en dents de scie », et cette préconisation permet de tenir compte de ces fluctuations. M. Buxin et consorts la jugent non conforme aux obligations qui leur sont faites, mais le ministère des Affaires sociales lui-même dément cette assertion, bien forcé d’admettre que de tels taux conditionnés par paliers en fonction de la hauteur des revenus s’appliquent déjà aux cotisants de l’AGIRC-ARRCO (caisses des salariés). Cette proposition de l’Intersyndicale, cachée à tous par le RAAP jusqu’à la réunion du 1er juillet, a depuis lors suscité l’intérêt d’un certain nombre d’organisations : l’AdaBD (association d’auteurs BD), l’Agraf (animation) et d’autres. Mentionnons également que le SNP, syndicat de photographes (jeunes, pour la plupart) nouvellement créé et non représenté jusqu’alors dans les concertations IRCEC, est également favorable à une telle option.
Mais en définitive rien de concret n’est sorti de cette réunion, sinon que le Conseil d’Administration de l’IRCEC a dû admettre que la concertation devait se poursuivre au-delà de la fin juillet, contrairement à ce qu’il avait prévu jusqu’alors. Une nouvelle réunion servant de point d’étape a donc été convoquée pour le 20 juillet, et une autre sera organisée le 4 septembre. La der des ders, selon le RAAP, mais tous les représentants des artistes auteurs excluent que les concertations s’interrompent à cette date, le RAAP ne pouvant réunir un consensus sur ses propositions invariables.
Le Conseil d’Administration du RAAP ne semble guère favorable non plus à l’exigence, là aussi très majoritaire parmi les organisations qui représentent les cotisants potentiellement soumis aux 8%, d’une phase de transition de 10 ans qui permettrait de surcotiser pour améliorer le montant de leur future retraite complémentaire. Tout ce qu’il paraît vouloir concéder, c’est la hausse progressive des cotisations étalée sur 3 ans : 6, puis 7, et enfin 8%, taux qui devrait entrer en vigueur au plus tard en 2020. Là aussi, l’Intersyndicale se différencie d’autres organisations pour qui les seuls cotisants déjà intégrés au système avant la réforme seraient seuls admis à faire valoir ce droit à surcotiser : nous demandons que cette possibilité soit aussi offerte aux nouveaux entrants.
La réunion du 20 juillet a été maintenue alors que 20 des 28 organisations concernées en avaient demandé le report. Rien n’y a été décidé non plus. Le Conseil d’Administration de l’IRCEC a fait mine de valider les propositions d’un RAAP à 4%, tout en faisant valoir que ce taux « pourrait être rejeté par le ministère », absent lors de cette réunion. Les tenants d’une cotisation liée aux fluctuations de revenus ont cependant exigé (et obtenu, en tout cas verbalement) que leur proposition fasse l’objet d’une étude sérieuse, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent. Les paramètres et plafonds peuvent faire l’objet de débats, mais cette solution serait la plus favorable aux intérêts des artistes auteurs : payer moins les mauvaises années et se constituer une meilleure retraite quand ils en ont davantage les moyens.
- Les concertations sur la réforme côté sécurité sociale
Jusqu’au début juin, les ministères ont organisé des concertations séparées entre les organisations liées à l’AGESSA et celles « affiliées » à la MDA-Sécurité sociale. Une absurdité lorsqu’il s’agit d’évoquer la création d’un guichet commun à l’ensemble des artistes auteurs. Cette bévue a été réparée fin juin. Toujours est-il que les tutelles semblent valider l’idée de la création d’un guichet unique en remplacement du système AGESSA MDA en vigueur jusqu’à présent. La revendication d’un seuil d’affiliation abaissé à 600 VHMS (valeur horaire moyenne du smic) par an au lieu des 900 exigées actuellement semble aussi devoir être acceptée par le gouvernement. Ce qui vaudra à un nombre conséquent d’artistes auteurs jusqu’alors exclus du système de bénéficier enfin d’une protection sociale. Il faudra aussi penser au cas des auteurs autoédités, qui sont pour l’heure « interdits » d’AGESSA. Le combat n’est toutefois pas fini, loin s’en faut, car nous devons encore, avant de signer le « nouveau contrat social », faire payer l’AGESSA pour ses mauvaises pratiques passées. Au contraire de la MDA et en contradiction avec le code de la sécurité sociale, l’AGESSA refuse depuis toujours la pré-affiliation qui permet à certains assujettis de faire valider les droits à la sécurité sociale « de base » (maladie, maternité) et des cotisations retraite trimestre par trimestre. Par ailleurs, l’AGESSA reçoit de la part des affiliés qui déclarent leurs revenus en BNC des trop-perçus qui ne sont jamais remboursés. Il est donc urgent que ces spoliations soient réparées avant la disparition de notre chère (très, très chère) vieille AGESSA. Nous aurons, bien entendu, l’occasion d’en reparler.
Il convient cependant d’apporter un sérieux bémol à l’apparente bonne volonté des pouvoirs publics sur ce dossier. L’évolution du régime vers la création d’une caisse unique nécessite une refonte intégrale des systèmes informatiques de l’AGESSA et de la MDA, totalement obsolètes. Mais, si un tel projet semble déjà avoir été « pensé » sur le papier, aucune ligne budgétaire n’a pour l’heure été débloquée pour le rendre effectif. Dans le meilleur des cas, la nouvelle structure ne sera donc pas opérationnelle avant une voire deux années… La procédure envisagée contre les pratiques illégales de l’AGESSA pourrait permettre de hâter un peu ce processus… On sait depuis près d’un an que le ministère des Affaires sociales redoute que cette procédure intervienne, soit de la part d’un collectif, soit même de la part d’auteurs isolés, dont l’exemple pourrait faire tache d’huile. Une réflexion va donc être menée entre les syndicats intéressés pour définir quelle forme elle devra prendre. De cela aussi, nous aurons l’occasion de reparler.