Rencontre entre les Auteurs et Mme Aurélie Filipetti à Angoulême, le 22 août 2014 : compte rendu

Il y a tout juste une semaine, le groupe informel « La Cause des Auteurs » (LCDA) – qui agit principalement via la communauté Facebook « J’aime les livres et je veux que les auteurs en vivent » – a réussi, par l’entremise du maire d’Angoulême, à provoquer une rencontre entre Aurélie Filippetti, alors encore en fonction, son directeur de cabinet, et deux auteurs. Lui faisant part de nos préoccupations à propos de notre statut social et plus spécifiquement du dossier RAAP / IRCEC (caisse de retraite complémentaire des artistes auteurs professionnels) dont la hausse des cotisations, prévue pour 2016, a provoqué, à l’instigation du SNAC-BD, une fronde des auteurs BD, les deux auteurs que la ministre avait accepté de recevoir en délégation ont eu la surprise de découvrir qu’elle et son directeur de cabinet « ignoraient tout de cette affaire » et prétendaient n’avoir reçu aucune information sur ce dossier via M. Buxin, président en exercice du RAAP. De même, le directeur de cabinet s’est dit « choqué de découvrir que les éditeurs » (au contraire des employeurs de salariés) « ne participaient en rien à la couverture sociale des auteurs ». Samedi matin, alors qu’elle connaissait très probablement le sort qui lui était promis lors de la constitution du gouvernement Valls 2, la ministre a répercuté la rencontre via un tweet, affirmant alors que l’affaire allait être débattue au sein du gouvernement et ferait l’objet d’une concertation avec les auteurs et leurs organisations représentatives. Le SELF a pris sa part dans cette affaire, d’où le présent communiqué.

Ce compte rendu peut sembler de peu d’intérêt après la démission d’Aurélie Filippetti du gouvernement, mais son directeur de cabinet a été, lui, reconduit dans ses fonctions, ce qui nous assure, pour la suite, d’avoir au sein de la nouvelle équipe ministérielle un interlocuteur déjà quelque peu informé du dossier RAAP.
Le SELF est bien déterminé à prendre sa part de responsabilité dans la négociation qui devrait s’ouvrir à propos du dossier RAAP / IRCEC. Une action de grande ampleur est d’ores et déjà prévue dans les semaines à venir pour permettre aux auteurs de participer à cette exigence de concertation. Soyons donc tous prêts à nous mobiliser !

Pour le S.E.L.F., les coprésidents,
Jeanne-A Debats et Christian Vilà

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C’est dans un salon de l’hôtel Mercure d’Angoulême, le vendredi 22 août à 17 h 30, qu’une délégation de deux auteurs angoumoisins, MM. Éric Wantiez et Stéphane Servain, a rencontré Mme Aurélie Filippetti, alors ministre de la Culture et de la Communication, et son directeur de cabinet, Mr Martin Ajdari.

COULISSES
Ce rendez-vous ministériel a été obtenu par M. Xavier Bonnefont, maire UMP d’Angoulême, alors que « La Cause Des Auteurs » l’avait sollicité la veille à 16 h par le biais de sa page communautaire, ayant découvert la venue de Mme la ministre dans la ville charentaise à l’occasion de l’inauguration du festival du film francophone.
Dès lors, une quinzaine d’auteurs ont relayé l’information sur les réseaux afin de former la petite délégation d’auteurs susceptible d’expliquer la situation actuelle au cabinet. Parmi eux, vendredi matin, MM. Marc-Antoine Boidin, membre du comité de pilotage du SNAC-BD, et Christian Vilà, coprésident du SELF (Syndicat des Écrivains de Langue Française) ont soutenu cette action.
Dès jeudi soir, M. Wantiez, contacté grâce au relais de M. Éric Dérian, auteur de BD, s’est porté volontaire auprès de nous pour être présent à la rencontre. Puis, parmi les auteurs charentais, cinq autres personnes se sont portées volontaires vendredi midi : Angélique Césano, Marie Deschamps, Delphine Rieu, Guilhem et Nicolas Tabary. Apprenant par M. Bonnefont que le ministère n’acceptait qu’une délégation de deux auteurs, deux noms lui étaient finalement donnés, ceux de M. Wantiez et Mme Césano. Le duo final n’a été déterminé qu’en début d’après-midi.

LE RENDEZ-VOUS
La rencontre qui s’est déroulée dans une ambiance conviviale autour d’un café a permis aux deux auteurs d’aborder un certain nombre de sujets, notamment celui de la réforme de la retraite complémentaire RAAP / IRCEC, objet de la fronde actuelle des auteurs professionnels de tout domaine du livre.
Au terme de l’entretien, les auteurs ont eu le sentiment d’avoir été écoutés. « Entretien cordial. Une empathie certaine », que la délégation estime sincère. « Une certaine prise de conscience sur certains points » aussi. Telle l’absence de participation des éditeurs aux charges, telle la faiblesse des rémunérations, telle l’absence totale de concertation entre le RAAP et les auteurs.
Ils ont l’impression que Mme la ministre s’est véritablement penchée sur le dossier de la réforme de la retraite complémentaire, qu’elle est réellement consciente du problème au regard de certains éléments de réponse. Mme Filippetti, dont le cabinet a donc enquêté sur la réforme en cours et a pris le temps nécessaire à la compréhension du dossier, « a assuré que cela bougerait avant qu’on s’énerve ». Elle semblait notamment assez « outrée par le ton paternaliste de la lettre de M. Buxin », faite « sans que son ministère ait été informé », mais aussi par l’augmentation de cotisation annoncée par le RAAP / IRCEC. « Ils semblaient persuadés que les éditeurs participaient aux cotisations des auteurs », commentent les auteurs.
Pour Mme Filippetti, « il faut prendre le temps de mettre à plat la réforme. » Ministère de la Culture et ministère des Affaires sociales devraient conjointement se pencher sur le problème à la rentrée et lancer ensemble des concertations et des négociations.
Surtout, au-delà du problème crucial du RAAP / IRCEC, Mme Filippetti a ainsi entendu « le désarroi de la profession face au flou de son statut, de surcroît face à la paupérisation du métier. »

Nous nous réjouissons ici que « La Cause Des Auteurs », par le biais de sa page communautaire, ait aidé à débloquer le dialogue entre auteurs et ministère. Depuis la Lettre ouverte des 748 auteurs de BD à la mi-juin, lettre à l’initiative du groupement SNAC-BD, représentatif de la communauté des bédéistes, le dossier était techniquement dans les seules mains de Mr Frédéric Buxin, président du RAAP / IRCEC. Cet organisme est pour l’heure remarquable par son inertie dans le dialogue, malgré les demandes de rendez-vous des diverses représentations syndicales d’auteurs. Depuis lors, le Conseil Permanent des Écrivains n’a pu obtenir de rendez-vous.

Il était temps que le politique reprenne le dossier qu’il n’aurait jamais dû abandonner au champ technique. Voilà qui semble effectif grâce à l’intervention conjointe de M. Bonnefont (UMP) et Mme Filippetti (PS).

VIGILANCE DES AUTEURS ET RELAIS À LEURS REPRÉSENTATIONS SYNDICALES
« Le message est passé en tous cas. Est-ce qu’elle va vraiment agir ? On ne peut présumer de la volonté politique. » Si le dialogue est amorcé par cette initiative impromptue, la vigilance est naturellement de mise dans le milieu des auteurs : « C’est déjà un petit plus par rapport à “avant la rencontre” », « Cela ne règle rien, mais rien que de sortir du calme de ces dernières semaines, cela fait chaud au cœur », « Tout cela est de la poudre aux yeux, rien de plus ».
Aux syndicats et groupements représentatifs d’auteurs de prendre désormais le relais pour les négociations, à venir prochainement, comme assuré vendredi. Une initiative en ce sens sera prise très prochainement par le SNAC et le SELF.

TWEET AGAIN
Dès samedi matin, Mme Filippetti a posté un tweet confirmant ses propos à la délégation (« À Angoulême, j’ai reçu des auteurs BD sur la hausse trop brutale des cotisations retraite décidée par le RAAP. Une concertation doit venir. »). Désormais, il paraît difficile au RAAP / IRCEC de demeurer inerte, et aux vingt membres de son conseil d’administration de décider sans la moindre concertation du sort de cinquante mille affiliés.

REMERCIEMENTS
Merci à la quinzaine d’acteurs sans lesquels ce rendez-vous n’aurait pas eu lieu. Remercions tout particulièrement M. le maire d’Angoulême, maître d’œuvre de cette rencontre, qui a rapidement pris contact avec le cabinet ministériel pour répondre à la demande de « La Cause Des Auteurs », et M. Wantiez qui a aussitôt accepté de représenter la communauté des auteurs à ce rendez-vous. Sans eux, rien n’aurait véritablement été possible. Remercions aussi chacune et chacun des auteures et des auteurs (de tous les horizons éditoriaux) dont l’action a permis à cette initiative impromptue de se réaliser, pour leurs relais d’information afin de constituer la délégation : Éric Dérian et Alexe Tygra, Audrey Alwett, Bruno Bellamy, Olivier G. Boiscommun, Olivier Brazao, Anne Cresci, Carole Desrousseaux, Nicolas Fumanal, Fémi Peters, Fanny Ruelle, Béatrice Tillier, Laurent Wagner.

EN GUISE DE CONCLUSION
Nul besoin d’abonder sur la nécessité pour les auteurs de prendre conscience que l’évolution de leur statut passe nécessairement par le politique ; que cette évolution ne pourra se réaliser sans la mobilisation personnelle de chacun, sans l’implication personnelle de chacun, notamment auprès de la représentation nationale de sa région, sans la discussion entre les divers domaines de l’édition ; qu’adhérer à un syndicat et un groupement ne peut qu’aider à cette mobilisation ; qu’une poignée de bonnes volontés isolées peuvent aussi faire bouger les lignes, ce qui fut le cas, en l’espèce.
Merci.

Compte-rendu approuvé par Éric Wantiez, auteur non syndiqué, par le Syndicat des Écrivains de Langue Française et son coprésident Christian Vilà, par Marc-Antoine Boidin, du comité de pilotage du SNAC-BD et naturellement, La Cause Des Auteurs.

Une réflexion au sujet de « Rencontre entre les Auteurs et Mme Aurélie Filipetti à Angoulême, le 22 août 2014 : compte rendu »

  1. Filipetti, auteur de plusieurs livres, prétend ignorer que les éditeurs ne paient que 1,1 % de cotisations patronales ?
    Je rêve, là ?

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