Pas d’Imaginaire sans auteurs ni autrices !

Lettre ouverte aux éditeurs de l’Imaginaire

Destinataires : ActuSF, L’Atalante, Au diable vauvert, Le Bélial’, Bragelonne, Critic, Folio SF, J’ai lu SF, La Volte, Le Livre de Poche, L’homme sans nom, Lune d’encre, Mnémos, Les Moutons électriques, Outre Fleuve, Pocket, Scrinéo.

Le 11 octobre 2017

À l’initiative d’un regroupement d’éditeurs et suite à l’appel lancé en mars dernier aux « acteurs de l’imagi­naire » se dérouleront en novembre prochain aux Utopiales les premiers « États Généraux de l’Imaginaire ». L’objectif annoncé est d’unir les efforts de ces « acteurs » afin que l’Imaginaire soit davantage reconnu et pris en considération par les pouvoirs publics et les médias. En tant que Syndicat professionnel, le SELF ne peut ni ne souhaite s’associer à cet événement, mais il est de sa responsabilité d’attirer l’attention sur le fait que les autrices et auteurs sont des professionnels de l’édition à part entière et que l’Imaginaire ne pourrait exister sans eux.

Une évidence ? Pas tant que ça. Certes, nous en sommes persuadés, les éditeurs de l’Imaginaire ne sauraient nier que l’existence et l’identité de leurs entreprises reposent principalement sur la créativité et le travail de ceux sans qui il n’y aurait pas de livres à éditer, à vendre, à lire. Il n’en demeure pas moins que, ces dernières années, nos professions se sont dangereusement précarisées et que les auteurs et autrices ont le sentiment amer de ne pas recueillir le juste fruit de leurs efforts, en matière de reconnaissance mais aussi et surtout de rémunération. Les bouleversements économiques, technologiques, sociologiques que connaît le monde du livre ne sont pas sans incidences sur cet état de fait, mais s’il est une constante, c’est que dans la chaîne éditoriale ce sont surtout les auteurs et autrices qui en payent le prix. Aujourd’hui, exercer cette profession signifie trop souvent faire partie d’un tiers-état taillable et corvéable à merci. Des États Généraux sont convoqués ? Nous décidons d’y croire et invitons les autrices et auteurs à saisir l’occasion d’aller porter à Nantes leurs cahiers de doléances !

Outre les difficultés liées à la baisse constante de nos revenus, nous devons faire face à l’augmentation régu­lière de nos prélèvements, dont l’explosion des cotisations de retraite complémentaire obligatoire (RAAP) n’est que le dernier exemple en date. Comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement s’apprête à faire de nous les seuls actifs en France à devoir pâtir de la hausse de la CSG. Si le projet reste en l’état, c’est une perte de 2,4 % de notre pouvoir d’achat par rapport au reste du monde professionnel qu’il nous faudra subir dès 2018.
S’il n’est pas du ressort des éditeurs de corriger de telles disparités, nous comprendrions mal que dans un tel contexte les organisateurs de ces États Généraux ne laissent pas les auteurs et autrices y faire part de leurs difficultés, y exprimer leur malaise et y énoncer leurs revendications. Le temps est venu de sortir des géné­ralités et des pétitions de principe. Sur un certain nombre de points précis, il est possible d’engager sans attendre des discussions pour que les générations nouvelles puissent continuer à faire de leur passion pour l’Imaginaire un métier.

Dans l’état d’esprit ouvert et constructif qui est celui du SELF, nous rappelons ci-dessous les revendications portées par notre syndicat pour une plus juste prise en compte de la place des autrices et des auteurs dans la chaîne éditoriale.

Pour une relation juste et équilibrée et un partage équitable de la richesse produite :

  • Signature systématique (obligation légale) d’un contrat avant toute publication, avec parties sépa­rées pour le papier et le numérique.
  • À-valoir systématique pour toute publication.
  • Cession des droits limitée dans le temps (3 à 5 ans) pour le papier, reconduite annuellement pour le numérique.
  • Droits d’auteurs :

10 % minimum pour le grand format jusqu’à 1 000 ex., 12 % jusqu’à 3 000, 15 % au-delà.

7 % minimum pour le poche, 10 % en cas d’exploitation directe dans ce format.

50 % minimum pour le numérique commercialisé directement par l’éditeur, 30 % minimum pour le numérique commercialisé par le biais de plates-formes ou librairies.

  • Reddition des comptes sincère et complète tous les semestres pendant trois ans, annuellement
    au-delà.
  • Justificatifs systématiques pour le papier ET le numérique.
  • Rachat d’exemplaires : 50 % du PPHT si l’auteur vend directement ses ouvrages en festivals et salons, remise libraire pour les exemplaires d’auteur supplémentaires.
  • Interdiction de la compensation intertitres.
  • Interdiction des provisions sur retour après la troisième année d’exploitation.

 

Une conviction sous-tend ces revendications : celle qu’un écosystème littéraire basé sur l’injuste répartition de la richesse produite ne peut pas se développer. Il est également de l’intérêt des éditeurs de publier des auteurs et autrices traité-e-s équitablement. C’est à nos yeux une condition du rayonnement de l’Imaginaire aussi importante qu’une meilleure visibilité dans les médias.

Souhaitant que cette lettre ouverte puisse contribuer au débat nécessaire sur la place des écrivains, traduc­teurs et illustrateurs au sein des littératures de l’Imaginaire et servir de base aux négociations indispensables et urgentes à mener avec les éditeurs, nous sommes disponibles à tout moment pour en discuter.

Pour la Commission exécutive du SELF, le collectif de présidence :

Lionel Évrard

Philippe Samier

Ketty Steward

Christian Vilà

Joëlle Wintrebert