Notre compte rendu de la réunion du 21 juin 2018 au ministère de la Culture

La réunion s’est tenue de 9h30 à midi en la présence de Mme Claire Guillemain, conseillère au ministère de la Culture et de la Communication chargée (…) du soutien à la création et aux artistes et à l’action sociale, dont on avait déjà pu constater qu’elle se préoccupait sincèrement des dossiers intéressant l’ensemble des artistes auteurs. Environ soixante représentants des organisations professionnelles des artistes auteurs et des diffuseurs étaient présents dans la salle.

La ministre était retenue ailleurs. Après la déclaration liminaire de Mme Guillemain, qui nous a assuré que le gouvernement allait se préoccuper le plus efficacement possible de ces dossiers, la parole a été donnée à un représentant de l’ACOSS (organisme chapeauteant les URSSAF), qui a animé le reste de la réunion.

Premier sujet abordé : le rapport IGAS/IGAC (Inspections générales à l’action sociale et à l’action culturelle) qui devait être publié fin juin mais ne le sera que durant la première semaine de juillet. Ce rapport portera exclusivement sur l’affaire de la compensation de la CSG, dont on ignore quelle mesure pérenne sera prise pour l’assurer dans les années à venir. Sur la gouvernance Agessa/MDA (l’USOPAVE et ses organisations membres demandent que soit organisée l’élection d’un conseil d’administration) et les problèmes liés à la circulaire de 2011 sur les revenus dits « accessoires », la communication des chargés de mission IGAS/IGAC n’aura lieu que fin octobre.

Un chef de service de la DSS (Direction de la Sécurité sociale) a ensuite relaté ce qui a déjà été décidé :

  • Implication des URSSAF décidée en 2016 pour la collecte des cotisations (avec l’ACOSS comme « tête de pont »)

 

  • Mise en place du précompte CNAV (cotisations retraite de base) pour les assujettis et déclarants en T&S (traitements et salaires) à compter du 1er janvier 2019 via l’URSSAF Limousin, et disparition subséquente de la distinction entre affiliés et assujettis [Note : une demi-vérité, mais on y reviendra…]. Validation trimestre par trimestre de ces cotisations CNAV pour les anciens assujettis. [Note : pas trop tôt ! Voir à ce propos les irrégularités commises depuis plus de 40 ans par l’Agessa, avec la bénédiction implicite de la DSS et des gouvernements successifs, qui ont pu ainsi prélever les cotisations maladie-maternité + CSG CRDS des assujettis sans ouverture des droits afférents, ces prélèvements n’ayant été que partiels car n’incluant pas les cotisations CNAV.]

 

  • Les cotisations CNAV des déclarants en BNC seront précomptées à partir de 2020 [Note : mais qui les identifiera ? Mystère, puisqu’il semble légalement impossible d’établir un lien à ce sujet entre Bercy et le ministère des Affaires sociales]. Il sera signalé plus tard qu’en cas de litige, le TGI (Tribunal de grande Instance) sera compétent.

 

  • Côté Agessa/MdAss, les commissions professionnelles continueront de valider les demandes d’affiliation en début d’activité. [Note : ce que la commission professionnelle de l’Agessa ne faisait pluas depuis une éternité car les dossiers ne lui étaient transmis que dans un délai allant parfois jusqu’à deux ou trois ans, voire pas du tout : les notifications de rejet pour les auteurs n’atteignant pas le seuil d’affiliation étaient illégalement confiées aux personnels administratifs de l’Agessa.]

 

  • Sur l’action sociale Agessa/MdA (exonération des cotisations retraite pour les affiliés n’atteignant pas le seuil minimum de revenus pour l’année de référence), il ne devrait pas y avoir de remise en question de ses budgets.

 

On nous a vanté les mérites du système de rachat des cotisations retraites prescrites (RCP) également mis en place depuis 2016. [Note : aucune indication quant au nombre d’artistes auteurs ayant fait valoir ce droit, nombre qui semble être minime.] Un membre de l’assistance a une fois de plus protesté contre la mise en place de pénalités de retard à l’encontre des artistes auteurs concernés (2,5 % par année de retard), alors que seules l’Agessa et la DSS portent la responsabilité de l’absence d’identification et d’appel à cotisations CNAV pour les assujettis ayant demandé à bénéficier de la pré-affiliation prévue par les textes. [Note : chose qui, en revanche, ne peut être reprochée à la MdAss : dans ce domaine, elle a toujours respecté les dispositions légales.]

Nouvelle prise de parole du responsable DSS sur ce qui change en 2018 :

  • Obligation d’identification des cotisants (par le diffuseur ?) [Note : revendication du SELF qu’obligation soit faite aux diffuseurs d’introduire dans le contrat une ligne pour mention obligatoire du n° de Sécurité sociale de l’artiste auteur, jusqu’alors non validée par le SNE même s’il semble que le Conseil permanent des Écrivains l’ait portée dans ses négociations sur le contrat d’édition dit « amélioré »].

 

  • Offre de service dématérialisée, via l’Internet. [Note  : à terme, ce mode de fonctionnement sera très probablement obligatoire, comme c’est déjà le cas pour les travailleurs indépendants affiliés au RSI).]

 

Rassemblement des artistes auteurs devant la Comédie française ( Photo Jorge Alvarez Iberlucea)

 

Gouvernance Agessa/MdA :

  • Administration provisoire (un « provisoire » qui dure depuis 2013 !)

 

  • Conseil d’administration : désignation par les organisations professionnelles début 2019, avec préparation en amont des modalités.

 

L’ambiance dans la salle devient houleuse après vingt minutes de déclarations laborieuses du chef de service DSS qui semblait  peu habitué à tenir le rôle qu’on lui imposait).

Depuis la salle, les questions commencent à fuser :

  • Quid des surcotisations des déclarants en BNC bénéficiaires d’une dispense de précompte, et qui doivent notifier à leurs diffuseurs qu’ils ont cette option ? Réponse : « On ne sait pas » qui délivrera le document d’attestation de dispense de précompte alors qu’il doit être adressé aux diffuseurs début 2019.

 

  • Guichet spécifique à la CNI (invalidité) ? (Sans réponse).

 

  • Rôle en droit et en pratique qui restera dévolu à l’Agessa/MdA après mise en place de la réforme ? Réponse : information, affiliations, action sociale. Il devrait y avoir des « collaborateurs dédiés » dans les URSSAF (anciens agents MdA/Agessa dont le nombre restant localisé au siège actuel passera de 90 à 20, les 70 autres ayant déjà été plus ou moins sommés de faire valoir leur transfert dans les URSSAF où ils tiendraient donc ce rôle de « collaborateurs dédiés »). [Note : on se demande  comment vingt agents pourront remplir les missions qui leur resteront dévolues. Cela semble plutôt préfigurer, à terme, une disparition programmée des deux associations agréées. Néanmoins, et c’est l’un des rares points positifs de la réunion, la perspective d’un rattachement des artistes auteurs au régime des indépendants semble pour l’heure exclue, malgré la crainte manifestée par certains à ce sujet.]

 

  • Recensement des artistes auteurs (mission obligatoire dévolue à l’Agessa/MdA… lesquelles n’ont jamais eu les moyens de l’exécuter) : quid et qui va le faire ? Question sans réponse.

 

  • Que va-t-il se passer en 2019 pour les affiliés qui déclarent en T&S : devront-ils payer à la fois les cotisations retraite CNAV dues au titre de 2016-2017 et celles désormais précomptées ? A été évoqué l’étalement du paiement pour les cotisations antérieures, mais sans la moindre précision quant aux modalités de cet étalement.

 

  • Certains ont demandé le report d’un an de l’application des réformes en raison d’un calendrier intenable. [Note  : Malheureusement, la loi a déjà été votée, et la loi… c’est la loi.]

 

  • Quid des retraités « actifs » (très nombreux chez les artistes auteurs) soumis aux cotisations vieillesse sans ouverture de droits ? Là aussi, la loi c’est la loi, et les salariés sont logés à la même enseigne.

 

  • Une intervention depuis la salle de M. Buxin (ancien président de l’IRCEC/RAAP) qui s’est inquiété du devenir de la retraite complémentaires des artistes auteurs professionnels, mais a surtout vanté les mérites de la réforme de 2015 concernant celle-ci, a provoqué quelques rires et grincements de dents dans l’auditoire. Pour mémoire : le conseil d’administration qu’il dirigeait a refusé de prendre en compte les préconisations de l’Intersyndicale, qui regroupe pourtant neuf des onze syndicats parties prenantes des concertations ayant précédé la réforme à 8 %.

On en vient à l’un des volets capitaux de la réunion : la promesse de la fin de la distinction entre assujettis et affiliés : il ne s’agit en fait que d’une demi-vérité :

  • Si tous les cotisants pourront désormais faire valoir un trimestre d’ouverture des droits à la retraite par tranche de 150 VHMS (valeur horaire moyenne du smic), soit environ 1500 € de droits d’auteur, seuls garderont véritablement le statut actuel d’affiliés les artistes auteurs capables d’atteindre des revenus équivalents au minimum à 900 VHMS par an.

 

  • Seuls ces derniers pourront bénéficier de la couverture maladie et maternité et des indemnités journalières qui vont de pair.

Lors de la réunion, le gouvernement a tenté de nous présenter cette mesure comme « dérogatoire » (favorable), les salariés étant, eux, soumis à 1015 et 2030 VHMS pour un semestre ou une année d’ouverture des mêmes droits. C’est oublier que certains salariés bénéficient du seuil encore plus bas de 600 VHMS. Sont notamment concernés les travailleurs saisonniers, qui n’ont ainsi pas à pâtir d’un temps de travail réduit et d’une condition d’emploi précarisée du fait de leurs CDD. Si nous ne pourrons bénéficier d’une telle mesure, c’est que, par définition, les quantités d’heures de travail nécessaires pour réaliser nos œuvres sont impossibles à évaluer. [Note : La belle excuse ! Comme si les artistes auteurs n’étaient pas eux aussi des précaires ! On en arrive ici au « loup » caché derrière la promesse gouvernementale de disparition de la distinction entre assujettis et affiliés, laquelle, pour les raisons qui viennent d’être exposées, ne sera que partielle.]

Après les protestations soulevées par ce point, la réunion s’est terminée par une série de questions venant de la salle.

  • La principale : Comment les représentants des artistes auteurs seront-ils (ou pas) associés aux réformes du régime ? Des consultations pour chaque décret d’application sont demandées.

Réponse : des réunions régulières seront organisées au ministère de la Culture pour mise en œuvre de la réforme. [Note  : Malheureusement, on s’est aperçu depuis que le gouvernement entendait imposer son propre « casting » de participants à la première de ces consultations. Au mépris de la loi, plusieurs syndicats indépendants en sont exclus (SELF, SNP, UNPI, notamment), alors que seront présents les OGC (Organismes de Gestion collective : SACD, SACEM, etc) qui pourtant ne détiennent aucun pouvoir légal de représentativité des professions concernées, mais seulement de leurs sociétaires, comme c’est aussi le cas pour les associations.]

Rédaction et notes : Christian Vilà, pour le SELF.