Depuis que nous avons relayé la pétition concernant l’augmentation de la TVA sur les droits d’auteur, nous avons pu vérifier qu’en fait, cette TVA serait « fictive », puisque payée par l’éditeur qui la récupère ensuite. La pétition co-signée par le SELF serait-elle donc une vaste blague ?
En réalité, les choses sont bien plus complexes.
D’une part, l’augmentation de la TVA concerne les droits d’auteurs, mais aussi les ventes d’œuvres originales par leurs créateurs – il paraît que les tableaux de maîtres sont dans le collimateur, nous avons plutôt en tête nos adhérents et sympathisants auteurs de BD, d’illustrations, de portfolios…
D’autre part, si l’augmentation de la TVA est « fictive », donc « inutile », à quoi sert de l’augmenter ? Et pourquoi s’inquiéter de cette augmentation ?
Actuellement, les relevés de droits d’auteur qui doivent accompagner chaque versement de la part d’un éditeur sont obligatoirement calculés hors taxes. L’éditeur ne peut donc en déduire le montant de la TVA correspondante qu’après l’avoir… ajouté. Plus 5,5 % ou plus 10 %, ça n’y change rien puisque ces mentions doivent être assorties d’un moins 5,5 % ou d’un moins 10 %. Et d’un plus 0,8 % censé amortir la TVA sur les frais professionnels de l’auteur.
D’ailleurs, les deux seules explications qui puissent être fournies pour justifier l’application d’une quelconque TVA aux droits d’auteur, ce sont :
1) le fait que l’éditeur doive créditer l’auteur d’une « TVA positive » de 0,8 %. Le même éditeur déduit ensuite la somme équivalente sur la TVA qu’il devra reverser au Trésor Public. On peut penser que c’est pour faciliter sa comptabilité que l’État a soumis la plupart des droits d’auteur à une TVA « fictive ».
2) le fait que les gens qui déclarent annuellement 42 300 € ou plus de droits d’auteur sont tenus de déclarer leurs revenus en « BNC déclaration contrôlée », et de ce fait sont soumis au même régime fiscal que les professions libérales. Ça ne concerne pas grand monde dans l’édition, hormis peut-être de très rares auteurs de best-sellers ou un lauréat de prix Goncourt, une fois ou deux dans sa vie… et s’il est assez distrait pour ne pas suggérer à son éditeur d’étaler le paiement de ses DA sur au moins deux exercices ! Ce seuil de 42 300 € concerne un peu plus les scénaristes de l’audiovisuel, mais ils ne sont pas non plus très nombreux à le franchir.
De plus, les droits d’auteur… ne constituent pas les seuls droits d’auteur des auteurs ! Les auteurs ont des revenus accessoires, pour des participations à des conférences, des rencontres avec des élèves, tous revenus assimilables – et assimilés – à des droits d’auteurs. Et ces revenus sont soumis à la TVA. Ces DA-là sont donc impactés par l’augmentation de la TVA.
Nous savons que le curieux système d’addition/soustraction de la TVA dont nous bénéficions jusqu’alors pourrait disparaître un jour ou l’autre… Comme a disparu l’abattement fiscal de 30 % dont bénéficiaient les droits d’auteur jusqu’à la période Jospin. Ce souvenir pas si ancien doit nous inciter à rester vigilants sur toute forme possible de dérapage fiscal qui pourrait à nouveau affecter nos revenus. Le pouvoir en place concocte une grande réforme de l’Impôt qui devrait faire disparaître un certain nombre de « niches fiscales » auxquelles les droits d’auteur pourraient être assimilés. Il est donc à craindre que nous devions, un jour ou l’autre, voir nos droits d’auteur réellement amputés du montant de la TVA. Ce serait bien la raison la plus logique pour laquelle cette TVA sur les DA existerait et serait augmentée, et donc c’est la raison pour laquelle nous nous opposons à cette augmentation !
Et quand bien même les auteurs liés à l’édition, dans leur très grande majorité, ne verraient pas leurs revenus impactés par la hausse de la TVA sur leurs DA, il n’en demeure pas moins que ce différentiel de TVA entre droits d’auteur et autres secteurs assimilés à l’« exception culturelle » est totalement injustifié. Contrairement aux autres professions visées par la hausse du taux de TVA de 7 à 10 % (billetteries des musées et parcs à thèmes culturels, abonnements à certaines chaînes de TV privées, vente d’œuvres d’art), les auteurs ne fournissent ni un bien ni un service ; ils cèdent sous condition les droits d’exploitation de leurs œuvres.
C’est pour toutes ces raisons que le SELF s’est associé à la pétition demandant l’annulation de cette hausse du taux de TVA sur les DA. Et aussi par solidarité avec les artistes plasticiens (dont beaucoup sont aussi auteurs) qui eux, doivent s’acquitter de cette TVA alors que tous, loin s’en faut, ne roulent pas sur l’or.
La rédaction de cette pétition a été difficile, car le texte a été mis au point par vingt-quatre collectifs, syndicats, associations aux intérêts différents, mais qui convergeaient sur l’essentiel : l’opposition à cette « exception à l’exception culturelle » que constitue la hausse de la TVA sur les droits d’auteur.
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